Chapitre III : A marin, marin et demi...

Il était encore tôt lorsqu'un coursier arriva au palais de l'Ordre. Celui-ci apportait aux chevaliers un message en provenance d'Al-Kasr Malaki, le Palais Royal de Jergath. Il s'agissait des nouveaux ordres de missions du Conseiller Sham qui avait visiblement pris note des remarques sur ses éventuels déplacement dans la cité.
Ceux-ci expliquaient qu'aux vues du rapport de leur dernière mission, il apparaissait que le groupe d'assassins ne venait pas d'Al-Mayakit. Il était donc nécessaire que l'Ordre essaye de retrouver leurs traces, en commençant par le port de Bassoumah en aval du fleuve.
Cette mission fut donc confiée aux chevaliers présents à ce moment là : l'inébranlable Giminos, le remuant Ghaith et l'exquise  Nora.

Après avoir quitté le palais de l'Ordre, les trois chevaliers qui formaient une sorte d'étrange famille avec un père en armure lourde, une mère à la robe plus transparente qu'une goutte d'eau et un gamin franchement agaçant, partirent en direction de la falaise.
Il y avait un nombre incalculable de moyen de descendra la falaise menant à la vieille ville. Escaliers, nacelles, ascenseurs et même tapis volants.
La petite troupe choisit d'empreinter un ascenseur plutôt luxueux qui permettait de rejoindre la vieille ville en dizaine de minutes seulement et à quelques centaines de mètres du marché d'Al-Malikah Alsouk.

C'était la première fois que Giminos et Nora voyait une chose pareil, des milliers d'échoppes, d'étales et de boutiques s'étendant sur plusieurs lieux. Il y avait foule au marché, comme à peu près tout les jours de la semaine et il leur fallait parfois se frayer un chemin parmi les passants.
Aucun des deux ne comprit comment Ghaith réussit à retrouver leurs bourses -encore pleines d'or- et à leur tendre d'un air jovial en s'exclamant :
Ghaith : Tenez. Vous devriez faire un peu plus attention. On peut vite perdre ses affaires par ici si on ne fait pas attention.

Après cet légère mésaventure, ils traversèrent le marché sans autre difficulté et arrivèrent finalement au quartier des docks où il ne leur restait plus qu'à trouver un bateau pour rejoindre le port de Bassoumah.
Ils en étaient toujours à se demander comment ils pourraient trouver un bateau pour les emmener lorsqu'un homme de bonne apparence et plutôt bien vêtu aborda la belle Nora.
Bel homme : Madame, aucun homme ne peut poser les yeux sur vous sans risquer de tomber amoureux. Votre beauté est de celle qui peut coûter la vie. Des hommes pourraient tuer pour passer la nuit entre vos draps. Et puisque je ne vois personne à tuer, permettez moi de vous offrir huit chameaux pour avoir l'honneur de... vos attentions particulières.
Nora : Comment refusez une telle offre ? Je ne sais pas... Si seulement vous pouviez nous trouver un bateau capable de nous emmener jusqu'à Bassoumah, alors là...
Bel homme : Alors cela ne peut être que le destin. Car il se trouve que je possède un superbe petit navire et que je me ferais une joie de vous mener jusqu'à Bassoumah.
Nora : Alors marché conclu.

Une fois la cession des chameaux réglée et les chevaliers à bord du navire, Nora tint sa part du contrat. Le petit sloop de l'homme n'avait pas de cabine mais une grande tente en toile là où aurait dû se trouver le gaillard d'arrière.
Personne ne prêta attention aux cris et aux gémissement qui s'en échappaient. Car là où il y avait des marins, ils y avaient des femmes à la vertu négociable.
Une fois l'affaire terminée, le navire quitta les quais de Jergath pour descendre le fleuve en direction du port de Bassoumah.

Si le paysage de gorges, de cascades et de forêts était d'une beauté époustouflante, Ghaith et Nora n'en surent rien. Tout deux passèrent la traversée allongés sur le pont du bateau, incommodé par le roulis et le tangage.
Seul Giminos se tenait sur ses deux pieds, jouant avec son épée, aiguisant sa lame, resserrant les lanières de son armure jusqu'à ce qu'après quelques heures, il aperçu enfin les quais du port de Bassoumah.

Les quais de Bassoumah courraient sur les deux rives du fleuves ainsi que sur une bonne partie de la côte. De gros navires marchands avec de superbes voilures s'arrimaient sur la côte et déchargeaient leurs marchandises tandis que de petits bateaux à une ou deux voiles embarquaient pour remonter le fleuve vers les quais de Jergath.
Bassoumah n'était pas qu'un port, c'était tout une ville entièrement tourné vers le transport de marchandises. Toute la cité tournait autour du flux et du reflux des navires, des arrivées et départs des caravanes qui empruntaient la route du nord ou le balais de bateaux qui remontaient ou descendaient le fleuve.
Partout où le regard se posait, on ne voyait que mats, hangards, tavernes, bordels et temples. La population de la ville elle-même se répartissait en quatre catégories : marins, prostituées, prêtres. Et voleurs.

Si Giminos et Nora étaient aussi dépaysés qu'au marché, Ghaith était lui comme un poisson dans l'eau. Il repéra rapidement les rues qu'il valait mieux éviter, les gens qu'il ne fallait pas croiser à tel point qu'on aurait pu croire qu'il était né dans cette ville.
Ils avançaient tant bien que mal dans la foule de marins et de marchands, mettant à profit ce temps pour s'organiser.
Giminos et Nora décidèrent d'aller enquêter auprès de la capitainerie du port. Après tout, il devait garder une trace de tout les navires qui avaient débarqués ainsi que leur cargaison. Ghaith quant à lui, s'éclipsa dans une ruelle à la recherche de gamins des rues, car qui de mieux qu'un enfant pour connaitre ce que font les grandes personnes.

Nora, escortée par Giminos, avançait sur le port à la recherche de la capitainerie. On aurait pu suivre leur route aux sifflets des marins qui s'arrêtaient de travailler pour observer les hanches de Nora qui se balançaient à chacun de ses pas.
Un marin, peut-être un peu plus courageux que les autres, se plaça sur sa route et lui proposa sans détour deux cents onces de cumin pour coucher avec elle. Humilié par Nora qui ne pu se retenir de rire à sa proposition, le marin commença a tendre la main vers elle mais un grognement stoppa son geste.  Un regard en direction de l'armure ambulante et de sa main, qui jouait négligemment avec la poignée de son glaive, suffit à convaincre le marin à se remettre au travail.

Après quelques minutes, ils atteignirent la capitainerie de Bassoumah. Le bâtiment n'était pas difficile à repérer, car outre une taille légèrement supérieure, celui-ci était le seul des quais à avoir été construit en pierre.
Lorsqu'ils entrèrent dans la capitainerie, ils y avaient déjà de nombreux marins aux guichets. Des papiers et des pièces d'or passaient d'une main à l'autres. Giminos et Nora patientèrent jusqu'à ce qu'à guichet se libère.
Lorsque enfin un guichet se libéra et qu'ils se présentèrent, Nora ne pu s'empêcher de constater que l'employé était plutôt mignon et qu'il ne manquait qu'un bon bain et une bonne coupe de cheveux pour devenir vraiment beau. C'était un véritable gâchis de le voir rester un simple officier de port.  
Employé : Bonjour. Que voulez-vous ? Vous n'avez pas franchement l'air de marins...
Nora : Nous sommes à la recherche d'un navire qui aurait accosté ici il y a environ deux mois avec une petite cargaison mais très bien gardée...
Employé : Vous plaisantez ? Vous savez le nombre de navires qui accostent ici tout les jours ? Vous imaginez le temps qu'il me faudrait pour retrouver un tel bordereau dans les archives ?

Nora s'approcha du guichet en se penchant légèrement afin de mettre son décolleté un peu plus en avant.
Nora : Oh, vous êtes sûr ? Après tout, je suis certaine qu'on pourrait trouver un arrangement...
Employé : *toussote* Et bien, je pourrais peut être vous laissez accéder aux archives, mais il faudrait que je vous accompagne. Il fait très sombre aux archives et personne n'y va jamais, s'il vous arrivait quelque chose, il faudrait quelques jours avant que quelqu'un s'en aperçoive...
Nora : Oh vraiment, vous feriez ça ? Ce serait tellement charmant.

Nora suivit le bel employé de la capitainerie jusqu'à la salle des archives où elle commença par se déshabiller, l'attirant jusqu'à elle. Elle s'employa à user de ses charmes et de ses talents, certaine des dons que lui avait confié la nature. Mais malgré la discipline et l'entrainement qu'elle avait acquis à l'école des Vierges de Papiers, elle ne pu résister à la vague de plaisir qui la submergea avec autant de force que de surprise.
Alors que l'employé la laissait récupérer de son orgasme, Nora aperçu alors, malgré la brume rosée qui baignait ses sens, que l'employé présentait une petite tache de naissance en forme de dragon dans le bas du dos.

Pendant que l'homme, encore à moitié nu, avait commencé à fouiller les bordeaux que recherchait Nora, celle-ci prit la décision qu'elle ne pouvait laisser gaspiller un tel potentiel. Elle était bien placée pour savoir quel talent sous-jacent sommeillait en lui. Aussi, après qu'il lui ait donné les bordereaux de débarquement d'un navire au nom de "Singe Léger" en provenance d'Oppona sur la côte orientale Kh'Saaba, Nora lui proposa de venir avec elle à Jergath et d'intégrer les rangs des Vierges de Papiers.
Après quelques hésitations, l'homme finit par accepter la proposition de Nora. Il se nommait Appolo et ses traits révélaient ses origines agalanthéennes.

Ghaith avait décidé d'aller faire un tour dans les bas-quartiers de la ville pendant que Nora et Giminos enquêtaient à la capitainerie. Ghaith quitta le port, non sans avoir au préalable vider les poches d'un marchand, simplement pour exercer ses talents. Il s'engagea dans les petites ruelles à la recherche d'autres gamins des rues succeptibles de lui apporter des informations.
Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour trouver ce qu'il cherchait. Il repéra un des gamins, visiblement en train de se demander quelle bêtise il allait bien pouvoir préparer pour la journée.
Ghaith : Salut.
Gamin des rues : Salut.
Ghaith : Je suis à la recherche d'une cargaison spéciale. Elle a dû arriver il y a environ deux mois et elle devait être très bien gardée.
Gamin des rues : Et combien j'y gagne ?
Ghaith : Un talent d'or si tes informations sont fiables.

Les yeux du gamin s'illuminèrent subitement.
Gamin des rues : Et où est-ce que j'te retrouve si j'ai des infos ?
Ghaith : On a qu'à se retrouver ici demain matin.
Gamin des rues : Top là, marché conclu. Mais si t'as pas ta pièce demain...
Ghaith : Je serais là avec ton or, si tu as les infos...

Giminos s'impatientait en attendant Nora qui mettait plus de temps à la tache qu'il ne l'aurait imaginé. Il décida donc de partir enquêter de son côté et après avoir laissé un message à son attention, il quitta la capitainerie pour partir à la recherche d'un des nombreux bordels de la ville. Peut-être qu'une des filles aura des informations. Ce qui ne gâcherait rien.
Au bout de quelques minutes, il tomba sur un bordel, plutôt de milieu gamme et non loin du port et de ses hangars. Peut-être que les hommes qu'il recherchait avaient passé du temps ici. Il entra donc et paya les cinq talents d'argent à la maquerelle.
On lui présenta cinq jeunes femmes, toutes aussi jolies que différentes les unes des autres. Il en choisit une au hasard et celle-ci l'accompagna dans une chambre à l'étage.

Une fois l'affaire rapidement conclue, la fille de joie gratifia Giminos d'un : "C'était merveilleux" qui sonnait faux mais l'agalanthéen ne sembla pas s'en apercevoir. Il en profita alors lui poser quelques questions.
Giminos : Dis-moi ma belle, je suis à la recherche d'un groupe d'hommes, certainement bien armés et les bourses pleines d'or. Ils ont dû traîner dans les parages il y a environ deux mois.
Fille de joie : Je me souviens qu'on a eu un peu plus de mercenaires que d'habitude à ce moment là. Normalement ils ne viennent pas dans ce genre d'établissement, mais là, ils payaient rubis sur l'ongle. Ils ne sont venus deux soirs de suite et après *pfffiout* on les a plus revu. Ils se vantaient d'être sur un gros coup et je crois qu'ils parlaient d'un hangar. Le numéro cinq.

Satisfait de ces informations, Giminos donna un petit pourboire de trois talents d'argent à la fille. Celle-ci était cette fois réellement ravie car elle n'aurait pas à partager cette somme avec la maquerelle. Aussi ajouta-t-elle :
Fille de joie : Je me souviens qu'ils disaient traîner avec une bande de gros bras qui travaillent sur les quais. Ils les appelaient "les pieuvres". C'est tout ce dont je me rappelle.

Giminos quitta donc le bordel pour rejoindre le point de rendez-vous avec les autres chevaliers.

Une fois chacun revenu au point de rendez-vous, les trois chevaliers partirent en quête d'une auberge où passer la nuit. Le soleil était déjà loin à l'horizon et le crépuscule tombant, la population de la cité commençait à se transformer petit à petit. On croisait de moins en moins de marins, du moins de marins sobres, et les marchands semblaient avoir désertés les rues. Ne restaient que des hommes aux mines patibulaires et aux nombreuses cicatrices.
Les chevaliers décidèrent de trouver rapidement cette auberge et ils finirent par en tomber sur une plutôt cossue. Elle était visiblement réservée à une clientèle aisée de marchands ou de capitaines de navires. Une fois à l'intérieur, ils se mirent d'accord pour prendre une grande suite où ils pourraient dormir tout les trois et commandèrent un bon repas avec quelques verres d'alcool.

Les chevaliers prirent leur repas dans la chambre en partageant les informations que chacun avait réuni. Nora parla du "Singe Léger" en provenance d'Oppona et de son chargement étrange. Trois petites caisses extrêmement bien gardées et entreposées dans un des hangars du quai. Ghaith parla de son rendez-vous au petit matin avec gamin des rues duquel il avait bon espoir d'obtenir des informations. Giminos parla d'un groupe de mercenaires qui traînaient près du hangar numéro cinq avec une bande de gros bras appelés "les pieuvres".
Ghaith réfléchit à ce surnom et avança l'hypothèse qu'il s'agissait de la bande du "Petit Kraken", un grand costaud balafré qui acceptait toutes sortes de contrat, essentiellement quand il s'agissait de casser des bras.

Ils décidèrent finalement d'aller au rendez-vous de Ghaith au petit matin avant d'aller pointer le bout de leur nez aux abords du hangar numéro cinq. Après quoi, ils allèrent se coucher. Chacun dans son lit.

Le voyage de retour vers Jergath fut plus agréable qu'à l'aller. Les chevaliers avaient moins souffert lors de la remontée du fleuve jusqu'aux quais de la cité et la traversée du marché de Jergath se fit cette fois sans incident.

Une fois arrivés dans la ville haute, les chevaliers passèrent les remparts pour prendre la route du caravansérail. Celui-ci avait été établi sur le plateau au nord de la ville et se composait de plusieurs centaines de caravanes. De milliers d'hommes, de tentes et de chameaux se regroupaient ici avant de rentrer dans la cité ou de repartir vers les villes au nord de Kh'Saaba.
Quelques étals avaient été installés et on y vendait toutes sortes de marchandises en grande quantité. Partout marchands et caravaniers négociaient, haranguaient et criaient. Il s'agissait d'une ville à l'extérieur des remparts.

Les chevaliers pénètrent dans ce dédales de toiles au milieu d'une foule dense et animée. Sans aucun contrôle et sans aucune autre administration que celle des marchands eux-mêmes, il était difficile pour les membres de l'Ordre de trouver un marchand se prénommant Amir.
Finalement, se laissant guider par leur chance, ils demandèrent au petit bonheur à quelques caravaniers ou marchand s'ils connaissaient ce marchand. On leur indiqua une tente et un nom, celui de Amir Ibn Yucef Abd-al-Salif.