Chapitre IV : L'odeur du tonnerre

Le messager arriva au palais de l'Ordre en fin de matinée. Le Conseiller du roi avait une nouvelle mission pour les chevaliers. Le message les informait que d'étranges rapport émanaient de Alayahba et leur demandait en substance d'aller y jeter un coup d'oeil et de régler le problème.

Comme à son habitude, le Conseiller n'avait pas été très précis dans ses ordres de missions, aussi Nadia et Nora décidèrent-elles de se rendre au palais afin d'obtenir des précisions et de lire les fameux rapports étranges en provenance de .
Arrivée au Palais Royal, elles allèrent directement voir le Conseiller Sham El Suyit qui les accueillit dans son bureau.
Sham : Mesdames, c'est un toujours un réel plaisir de vous voir. Que puis-je pour vous ?
Nora : Nous aimerions en savoir un peu plus sur cette ville de Alayahba
Nadia : Et sur les évènements étranges qui ont eu lieu là-bas.
Sham : Et bien, voici la liste des rapports que nous avons reçu. Au début nous n'y avons pas trop prêté attention, de tels rapports exubérants nous arrivent régulièrement, mais leur accumulation me pousse à vous envoyer vérifier ce qui s'y passe.
Nora : Et de quels genres d'évènements étranges parle-t-on ?
Sham : Au départ il ne s'agissait que d'un temps anormalement mauvais pour la saisons puis de bétail qui disparaît. Ce n'est que lorsque des hommes ont commencé à disparaître eux aussi que l'ouverture d'une enquête m'a parue nécessaire.

L'astrologue et la courtisane regagnèrent le palais de l'Ordre et réunirent les Chevaliers. Giminos, Mejaï, Nora et Nadia s'installèrent dans l'atrium. Alors qu'un domestique leur préparait du thé, ils consultèrent les rapports en provenance de Alayahba et organisaient les modalités de leur voyage.

Une fois leur voyage organisé, les chevaliers se mirent en route pour le village d'Alayahba au Nord de Jergath et c'est au terme de trois semaines à travers les hauts-plateaux saabi qu'ils arrivèrent en vue de la cité.
C'elle-ci ne présentait rien de bien notable depuis les plateaux mais les chevaliers notèrent les nuages noirs et lourds qui semblaient stagner dans ses environs. Si des orages pouvaient survenir dans la régions, celui-ci donnait l'impression de se concentrer sur les abords immédiats d'Alayahba.

Les chevaliers pénétrèrent dans la ville par la route sud. Celle-ci n'était pas ceinte d'une muraille, ni même d'un petit muret ou d'une clôture. La cité était ouverte tant aux visiteurs et aux marchands qu'à leurs coutumes. Les rues de la cité débordaient d'activités et surprenait le visiteurs telle une marée de parfums, de lumières, de couleurs et musiques. De somptueux bordels, des salles de jeux enfumées, des boutiques aux marchandises étranges, partout les rues offraient plaisirs et voluptés. Tout semblait pouvoir se trouver parfois même ce qui aurait été interdit ailleurs. Surtout ce qui était interdit ailleurs.

Les chevaliers qui n'étaient pas originaires du royaume de Kh'Saaba découvraient sans s'en apercevoir l'une de ses particularités les plus singulières. Les lois du royaume reposaient moins sur des textes que sur les traditions et coutumes. Celles-ci étant propres à chaque région et chaque village, ce qui était interdit dans une cité pouvait très bien être toléré dans une autre.
Alayahba était connue dans tout Kh'Saaba pour être la cité la plus permissive du royaume. Et si certains la considéraient comme la cité de tout les vices, elle n'en avait pas moins prospéré grâce à cela.

Les chevaliers arpentèrent donc les rues de la ville jusqu'à arriver devant l'entrée d'une grande bâtisse. Bien qu'il fut d'une taille et d'un faste plus modeste que certains bordels ou certaines maisons de jeu de la cité, ce petit palais n'en était pas moins la demeure de l'émir et le siège du gouvernement.
Nadia, Giminos, Nora et Mejaï se présentèrent donc à la porte où un domestique les accueillit par de nombreuses courbettes et demandèrent à voir Hava Ibn Zarad Al-Galid,  l'émir de la ville.

Les chevaliers furent introduits par le domestique dans une salle de réception. Celle-ci se distinguait par une grande sobriété. Les tentures n'étaient ni de soie ni de velours mais de simple coton. Aucune statue ou tableau ne venait décorer les murs, juste quelques armes usées et une vieille armure. La seule concession au luxe était le siège de l'émir recouvert de coussins moelleux sur lequel l'émir recevait ses hôtes.

Deux hommes, un jeune et un plus vieux, attendaient les chevaliers dans la salle de réception.
Le plus âgé devait avoir vu plus de soixante-dix printemps. Mince, le visage marqué par de profondes cicatrices et de rares cheveux blancs et fins, ses yeux étaient restés néanmoins perçants et il scrutait les nouveaux arrivants d'un regard de défis.
Giminos observait lui-aussi le vieil homme et l'hoplite agalanthéen reconnu en lui un soldat aguerri. Son maintien, sa musculature et le fait d'être toujours vivant à un âge si avancé, étaient autant d'indices pour Giminos, démontrant quel puissant guerrier il avait été.
En apercevant l'émir, Nadia reconnu immédiatement son visage. Elle l'avait déjà vu dans un livre alors que son précepteur lui enseignait l'histoire du royaume. Ce vieil homme tout balafré avait été dans sa jeunesse un des plus grand héros de Kh'Saaba. D'aucune des histoires que l'on racontaient sur lui parlaient de charges héroïques contre les ennemis du royaume, de combats singuliers avec d'invincibles chimères et de plantureuses princesses.
Les chevaliers prirent conscience que dans cette cité du vice en plein milieu de nul part, à trois semaines de voyage de Jergath, se tenait une véritable légende de Kh'Saaba.

Deerière lui se tenait un homme plus jeune, grand et plutôt maigre, ses cheveux noirs ramenés vers l'arrière, une fine moustache surlignant sa lèvre. Ses yeux étriqués s'attardèrent sur chacun des chevaliers après quoi il se pencha vers le vieil homme pour lui chuchoter quelques mots à l'oreille.

Hava Soyez les bienvenus dans ma demeure, hadjib. Je me nomme Hava Ibn Zarad Al-Galid et voici mon conseiller Tufiq Ibn Zael. Que me vaut l'honneur de votre présence dans ma ville ?
Nora : Nous arrivons de Jergath. Le conseiller de Sa Majesté, Sham El Suyit, nous envoie vous apporter toute l'aide dont vous aurez besoin. Nous avons cru comprendre que des événements étranges avaient frappés votre cité.
Hava J'ai tout fait parvenir à la capitale et je dois avouer que je n'espérais plus d'aide de Jergath...
Mejaï : Nous avons lu vos rapports et nous aurions quelques points à éclaircir avant de commencer. Pouvons-nous vous poser quelques questions ?
Hava Je vous en prie. Je ferais tout ce qui sera nécessaire pour mettre fin à ce fléau.
Mejaï : Les personnes qui ont disparu faisaient-elles partie d'une catégorie particulière de la population ?
Hava Non, pas à notre connaissance. Tenez, voici la liste des noms de ceux qui ont disparu.
Nora : Pouvez-vous nous expliquer comment les événements se sont enchaînées ?
Hava Et bien, tout d'abord il y a eu les orages. Ceux-ci ne sont pas particulièrement rares en cette saison mais jamais de mémoire d'homme ils n'avaient duré aussi longtemps. Et puis, lorsque nous nous sommes inquiétés, les premières bêtes ont commencé à disparaître. Nous en sommes maintenant à près de vingt. Des moutons, des vaches et même des chameaux. Puis se fut le tour des hommes de disparaître.
Mejaï : Combien d'hommes ont disparu jusqu'à maintenant ?
Hava Six. Tous des hommes de la ville ou qui s'y étaient installés depuis quelques années. Nous n'avons pour l'instant pas fait de lien entre eux.
Nora : Nous vous remercions d'avoir pris le temps de nous recevoir, cependant il commence à se faire tard. Nous commencerons nos recherches demain matin. Pourriez-vous nous indiquer une auberge ou passer la nuit ?
Hava Tufiq va vous conduire à la Fleur du Désert. C'est je pense la meilleure auberge de la ville. Ce soir, je prierai pour votre réussite.

Tufiq guida les chevaliers jusqu'à l'auberge et les y laissa après leur avoir donné rendez-vous pour le lendemain matin.  

La Fleur du Désert était une auberge réellement luxueuse. Les meubles et la décoration avaient été choisis avec soin et les somptueuses serveuses ne proposaient que les alcools les plus fins. La clientèle était visiblement aisée. Certainement de riches marchands ou des nobles venus s'encanailler ou assouvir certains plaisirs inavouables.
Les chevaliers s'y cherchaient une table où pouvoir manger tranquillement lorsque leur attention fut attirée par une femme attablée près d'une petite alcôve. Visiblement originaire des royaumes escartes, elle ne semblait pas à sa place dans cette auberge comme si elle attendait quelqu'un depuis un long moment et qu'il n'était toujours pas arrivé. Cette inconnue eut immédiatement la faveur de Giminos qui semblait apprécier la valeur d'un guerrier au poids de son armure.
Lorsque les yeux de l'inconnue et de Nadia se croisèrent, un flux de magie se déversa de part et d'autre alors que chacune essayait de sonder l'autre. La tension commençait à monter et l'air s'était mis à crépiter. Nadia prononça quelques mots et ses yeux se voilèrent alors qu'elle cherchait à voir l'avenir. Dans un bref flash, elle eu la vision de Lila se jetant sur elle et de la foudre qui s'abattait non loin. Peut-être pouvait-elle donc lui faire confiance.

C'est Nora qui apaisa la situation en demandant à la jeune femme s'ils pouvaient s'inviter à sa table, ce qu'elle accepta. Chacun se présenta et la nouvelle venue, qui se faisait appeler Lila, expliqua aux chevaliers qu'elle était à Alayahba pour rechercher un ami qui disparu et avait suivi la piste jusqu'ici. Les chevaliers qui étaient eux-mêmes à la recherches des disparus de la cité, proposèrent à Lila de s'associer dans les recherches.
Leurs repas et boissons étant arrivés et les discussions bien avancées, le petit groupe pris la décision de se partager une suite commune afin de continuer à se partager les informations avant le rendez-vous du lendemain avec Tufiq.

Une seule personne avait refusé de se présenter et n'avait toujours pas adressé un mot au chevalier occidentin. La shiradim Mejaï qui avait participé à la défense de Sagrada face à l'invasion escarte et qui avait assisté à sa chute, devait faire appel à toute sa maîtrise pour ne pas attaquer une femme membre de l'Ordre du Temple de Sagrada, ceux-là même qui avaient les premiers foulés le sol shiradim. Elle réussit néanmoins à faire taire sa rancune en se concentrant sur ses engagements envers les chevaliers de Malduk.

L'auberge de la Fleur du Désert était animée en ce début de soirée. Dans certains coins de la salle principale, des danseuses divertissaient de riches marchands, à moins qu'ils ne s'agissent de petits nobles de la région. Plus loin, des hommes fumaient le narguilé ou jouaient à l'As Nas, un jeu de carte que les marins saabi avaient ramené des côtes d'Al Fariq'n.

Méjaï décida de s'approcher de la table ou trois hommes, visiblement de riches commerçants de la ville, jouaient à l'As Nas avec concentration. Elle s'invita à la table et après avoir posé quelques dizaines de talents d'argent, on lui distribua ses cartes.
Les trois joueurs se lançaient des coup d'oeil en coin et l'un proposa d'offrir un verre à la nouvelle arrivante.
Mejaï enchaîna les verres d'alcool, se faisant passer pour plus ivre qu'elle ne l'était en réalité et après un douzaine de tours, elle avait amassé l'équivalent de dix talents d'or.

Mais elle s'était pas attablée là pour se faire de l'argent et sous ses airs de jeune femme légèrement soûle, elle posait des questions précises aux joueurs qui ne tarissaient pas d'anecdotes sur la malédiction qui frappait Alayahba. C'est ainsi que lorsqu'elle quitta la table avec ses talents d'or, Mejaï avait appris que les disparitions s'étaient principalement produites en périphérie de la ville, parfois sur des grandes places ou de larges artères de la ville. Un des joueurs, plus soul que ses comparses, avait soutenu malgré les railleries qu'à chaque fois qu'un homme ou qu'une bête disparaissait, on entendait le tonnerre gronder.

Ces quelques informations glanées, Mejaï monta rejoindre les autres chevaliers dans leur chambre.

La suite que les chevaliers avaient louée était spacieuse et confortable et bien que tout les couchages soient dans un pièce commune, des paravents délimitaient un espace personnel pour chaque lit. Après un voyage épuisant, les chevaliers étaient plus que ravis de pouvoir se reposer, prendre un bain ou simplement se prélasser. Mais très vite la fatigue se fit sentir et chacun alla se coucher.

La nuit était bien avancée lorsque le tonnerre fit réveiller tous les chevaliers en sursaut. Tous sauf un, car Giminos dormait profondément. Les chevaliers se levèrent d'un bond et Lila attrapa son épée avant même d'avoir mis un pied à terre. Le tonnerre continuait de gronder et de rouler mais il semblait prendre des accents étranges. Quelque chose clochait.
Les chevaliers se précipitèrent aux fenêtres et Nadia fit appel à ses dons pour capter les éventuelles flux magiques dissimulés dans cet orage. Mais malheureusement rien dans cet orage ne semblait d'origine magique.

Et pourtant, alors qu'elle s'était mise à la fenêtre, Lila joignit les mains, invoqua la volonté du dieu unique puis pointa la rue du doigt. Un éclair déchira le ciel mais au lieu de frapper le sol, il sembla comme se suspendre dans l'air avant de remonter vers les cieux. C'est alors qu'une forme apparut derrière les nuages. Celle d'un oiseau, un oiseau gigantesque qui survola l'auberge avant de disparaître au loin.

Faisant appel à ses souvenirs du temps où elle sillonnait les route de Jazîrat, Mejaï se rappela d'une légende à propos d'un oiseau gigantesque qui accompagnait les orages et qu'on nommait le Rokh. Peut-être que cet oiseau n'était pas si légendaire après-tout. Mais cela pourrait attendre demain et le groupe tenta tant bien que mal de se rendormir.

Le lendemain, Tufiq vint chercher les chevaliers à l'auberge comme convenu. Celui-ci confirma aux chevaliers ce qu'ils supposaient déjà, quelqu'un avait disparu cette nuit.
Tufiq : Oui, il s'agit d'un voyageur. Il est sorti de la teverne du Griffon d'Or qui se trouve sur l'une des plus grande artère de la cité, passablement ivre et il n'est jamais arrivé jusqu'à son auberge.
Nora s'approcha de Tufiq et faisant glisser le dos de sa main sur son bras, elle lui demanda :
Nora : Mon cher Tufiq, serait-il possible de nous mener jusqu'à un conteur ? Nous aurions quelques questions à lui poser.
Tufiq : Oui, cela ne devrait pas être trop compliqué. Il y'en a souvent qui se produisent sur la place zaytûn, au sud de la ville.

Le chevaliers se séparèrent en deux groupes. D'un côté, Mejaï, Nora et Giminos partirent en direction de la place zaytûn à la recherche d'un conteur et de l'autre, Lila et Nadia, accompagnées de Tufiq, se rendirent à la maison du premier disparu.

Il ne fallut qu'une quinzaine de minutes au premier groupe pour rejoindre la place zaytûn, ainsi nommée à cause du grand nombre d'oliviers qui la bordaient. Comme tout le reste de la cité, la place était très animée mais elle semblait avoir été dédiée aux Muses. Certains artistes proposaient de peindre le portrait des passants, de vendre leurs peintures, d'autres déclamaient les vers de leurs poèmes ou contaient mythes et légendes populaires autour d'une tasse de thé.

Les chevaliers s'approchèrent d'un conteur qui racontait l'histoire d'un marin que la tempête avait fait dérivé jusqu'à ce qu'il pensait être une île recouverte d'or et de pierres précieuses mais qui se révéla être le dos d'une baleine géante et qui manqua de l'emmener par le fond avec elle. Le pauvre marin ne dut sa survie qu'à une planche en bois sur laquelle il s'accrocha et dériva pendant des jours.
L'histoire terminée, les chevaliers donnèrent quelques talents d'argent au conteur et partagèrent avec lui un thé accompagné de quelques gâteaux.
Nora: Si cela ne vous dérange pas, nous aurions souhaité vous poser quelques questions.
Conteur : Puisque vous avez payé, je peux bien vous écouter.
Mejaï : Nous cherchons des informations sur un animal mythique.
Conteur : Je connais mille et une légendes et autant d'animaux. Vous pourriez être un peu plus précis.
Nora : Il s'agit d'un oiseau qui accompagnent les éclairs...
Conteur : Ah oui. L'oiseau Rokh. Il apparaît dans plusieurs légendes et dans toutes il est précédé par le tonnerre et les orages. Parfois on raconte qu'il suit les éclairs, parfois il en est à l'origine. Je me souviens que dans l'une de ces histoires, le héros se retrouve involontairement jeté dans le nid d'un rokh qui défend alors farouchement son oeuf. Pour le reste, ce sont des histoires plutôt classiques.

Les autres chevaliers n'ayant rien trouvé de bien d'intéressant à la maison du premier disparu, le groupe se réunit et après une brève discussion, décida d'aller fouiner dans l'une des boutiques ésotériques qu'ils avaient croisés en entrant en ville.

Nadia et Lila mirent une vingtaine de minutes à trouver grâce à leurs sens de la magie une boutique ésotérique correspondant à leurs critères. Celle-ci avait beau ne pas étaler d'objets étranges en vitrine, il s'en dégageait une profonde onde magique si puissante que chaque chevalier pouvait le ressentir.
Les chevaliers entrèrent dans le boutique, Giminos restant dans la rue en protection. Un homme presque aussi grand que large, au crane aussi lisse qu'un oeuf accueillit les visiteurs avec un grand sourire.

A peine après avoir posé un pied dans la boutique, Abouh commença à s'agiter, sautillant sur place, essayant d'avertir les chevaliers de quelque chose. Mejaï se glissa dans les ombres et passant dans le dos du marchand, elle sortit sa lame pour le maintenir en respect. Nadia prononça quelques mots et du sable s'envola de la rue et s'écoulant comme un ruisseau, vint encercler le marchand.
Celui-ci affichait toujours un grand sourire et en un clin d'oeil, le sable qui l'entravait tomba au sol et le poignard que tenait Mejaï disparu de sa main. L'homme ricanait mais son rire n'avait rien d'amical et ses yeux commençaient à luire d'une lueur rougeâtre.
Nora tenta d'apaiser la situation et usant de son charme, expliqua la raison de leur venue au marchand.
Nora : Que chacun garde son calme. Nous ne sommes pas venus pour nous battre mais pour acheter.
Étrange marchand : Drôle de façon d'engager des négociations. Je pourrais bien vous apprendre la politesse.
Nora : Nous sommes à la recherche d'un oeuf de rokh et...
Étrange marchand : Je n'ai pas ça en magasin. Bien que je n'aie pas grand chose à craindre de lui, je ne suis pas assez fou pour voler son oeuf à un rokh. Et puis c'est vraiment trop gros pour une utilité limité.
Nora : Vous savez pour le rokh ?!
Étrange marchand : Bien sûr. Qu'est-ce que vous croyez ? L'orage, le tonnerre, il n'a pas été difficile de faire le lien.
Nora : Et vous n'auriez pas quelque chose en boutique qui pourrait nous aider à retrouver cet oeuf ?
Étrange marchand : Non, vous m'en voyez navré.
Lila : Pfff ! Et vous appelez ça une boutique magique, hein ?

Les yeux du marchand s'enflammèrent et se braquèrent sur Lila. Celui-ci sembla grandir et grossir alors que la luminosité de la pièce semblait diminuer. Sa peau s'assombrit et une épaisse fumée noire commençait à envahir la pièce.
Quelques volutes se mélangèrent sur le comptoir, tourbillonnant et finalement lorsqu'elles se dissipèrent, elles laissèrent place à une étrange possible. Les chevaliers entendirent la voix du marchands tonner, leur vrillant même les oreilles.
Djinn marchand : Prenez cette boussole et partez ! Si jamais je vous revois, je vous transforme bl'ahrk, misérables vers de terre !

Obéissant sans se poser de question, les chevaliers attrapèrent la boussole et quittèrent la boutique sans demander leur reste.

Les chevaliers suivirent le chemin que leur indiquait l'étrange boussole offerte par le djinn jusqu'à arriver devant le palais de l'émir. Ils établirent donc un plan d'action. Giminos et Lila escorteraient Nadia qui avec l'aide de ses pouvoirs magiques avait pris l'apparence du vizir Tufiq. Nora les suivrait discrètement pendant que Mejaï s'introduirait dans la propriété par une des fenêtre du rez-de-chaussée pour fouiller tranquillement le palais.

Nadia, sous les traits de Tufiq, pénétra dans le palais accompagnée de Lila et Giminos. Une fois à l'intérieur, Nadia laissa l'escarte et l'agalanthéen se diriger vers le bureau de Hava tandis qu'elle allait fouiller le bureau de Tufiq. Lorsque les deux chevaliers se présentèrent devant l'émir, celui-ci était dans un bureau aussi simple et épuré que la salle de réception. A ses côtés, un scribe recopiait soigneusement tout ce qu'il lui disait.
Laissant sa phrase en suspens, il invita les chevaliers à s’asseoir.
Lila : Pardonnez nous de vous déranger, mais nous avons assez avancé dans notre enquête et nous aurions de nouvelles quesions à vous poser.
Hava : Comme je vous l'ai dit, je ferais tout pour vous aider.
Lila : Est-ce que vous auriez reçu un cadeau ou une livraison inhabituel ces derniers mois ?
Hava : Non, pas que je sache. Mais je ne peux pas trop vous dire car je me fais vieux et je ne m'occupe plus beaucoup des affaires de la ville.
Lila : Et qui s'en occupe ?
Hava : Tufiq gère la plupart des affaires courantes de la cité.
Giminos : Et vous n'auriez pas remarqué un changement dans son comportement ces derniers temps ?
Hava : Non... enfin, il se montre un peu plus empressé pour que je lui accorde la main de ma fille mais...
Lila : Et pour quand est prévu ce mariage ?
Hava : Il n'y a encore rien de prévu. Ce n'est à peine qu'un projet
Lila : Vous pensez accepter ?
Hava : Tout dépendra de lui, j'attends qu'il fasse ses preuves comme dirigeants.
Giminos : Tufiq aurait-il des connaissances en ville ?
Hava : Je suppose que oui puisqu'il est mon conseiller, mais je ne saurais dire qui.
Lila : Et votre fille, connait-elle bien Tufiq ?
Hava : C'est à elle qu'il faudrait poser la question. Mais ils se connaissent depuis qu'il n'était qu'un jeune garçon. Il n'est pas beaucoup plus vieux que ma fille aînée et ils avaient l'habitude de jouer ensembles.

Après avoir remercié l'émir d'avoir répondu à leurs questions, les chevaliers se levèrent pour regagner la porte du bureau.

Nadia, toujours sous les traits de Tufiq, entra dans le bureau et fut surprise d'apercevoir une ombre bouger dans un coin de la pièce. Mejaï avait déjà sorti son poignard et ne retint son geste que d'un cheveux. Nadia pointa son singe du doigt et murmura "Abouh". Mejaï se détendit et les deux chevaliers commencèrent alors à fouiller le bureau. Au bout de quelques minutes, elles avaient réussi à mettre la main sur cent quarante talents d'or ainsi qu'un message codé rappelant ceux des Fils de Tiamat. Malheureusement, aucune trace de l'oeuf dans le bureau.
Reprenant leurs recherches, Mejaï et Nadia finirent par arriver dans les caves du palais où la boussole d'affola, tourbillonnant sur elle-même. Soulevant les toiles et déplaçant quelques caisses, elles trouvèrent finalement l'oeuf. Celui-ci mesurait plus d'un mètre de haut et devait peser presque cinquante livres.

Usant de son apparence magique, Nadia questionna l'un des gardes sur la présence de l'oeuf dans les caves du palais. Le pauvre homme ne comprenait pas trop ce qui lui arrivait, peut-être était-ce un test du vizir ? Après tout c'est lui qui leur avait demandé de descendre cet oeuf à la cave en prévision du mariage et qui leur avait expressément demandé de ne rien dévoiler à l'émir ou à ses filles. Une surprise pour le jour du mariage qu'il avait dit. Toujours était-il que maintenant le vizir voulait qu'il mette l'oeuf sur une charrette, alors pourquoi se poser des questions ?

Les chevaliers se répartirent de nouveau en deux groupes. D'un côté Lila et Nadia -toujours avec l'apparence de Tufiq- emmèneraient l'oeuf à l'extérieur de la ville pour le rendre au rokh et de l'autre Giminos, Nora et Mejaï assureraient la protection de Hava et de sa fille Amelia.

Le garde menait la charrette à cheval, escorté par Lila et une Nadia tufiquisée, transportant l'oeuf en direction de la sortie nord de la ville. L'orage semblait se faire de plus en plus violent et le tonnerre se rapprocher. Alors qu'ils étaient à la limite de la cité, le tonnerre gronda si fort qu'il fit vriller leurs tympans et ils pouvaient distinguer l'ombre du rokh à chaque éclair.
Nadia abandonna l'apparence de Tufiq -ce qui fit nettement augmenter la terreur qui commençait à s'emparer du garde- et avança de quelques pour tenter de parler avec le rokh.
Nadia : Nous venons te rapporter ton oeuf. Le coupable sera puni !

Mais alors que Nadia avait à peine terminé sa phrase, Lila se jeta sur elle, les projetant toutes les deux à terre. Un éclair vint frapper le sol juste à l'endroit où elles se tenaient un fraction de seconde auparavant. Le cheval commençait à s'emballer et le garde avait de plus en plus de mal à le maîtriser. La charrette risquait de se renverser avec son précieux chargement.
Alors que Nadia tentait une nouvelle fois d'entrer en contact avec le rokh, celui-ci plongea et frappa le garde de plein fouet. Le pauvre homme fut projeté à plusieurs dizaines de mètres où il mourut, éventré.

Lila et Nadia tournèrent donc les talons et sans demander leurs restes, coururent en direction de la ville. Le rokh les poursuivit sur plusieurs centaines de mètres. Les éclairs frappaient le sol à côté d'elles et le tonnerre continuait de gronder.
Puis subitement, l'orage s'arrêta et alors qu'elle regardait par dessus son épaule, NACadia crut apercevoir l'oiseau rokh tenant l'oeuf entre ses serres.

Alors que Nadia et Lila n'étaient plus qu'à quelques minutes du palais de l'émir, le soleil commençait déjà à transpercer les nuages.

Pendant ce temps au palais de l'émir Hava Ibn Zarad, Giminos, Nora et Mejaï assurait sa protection et celle de sa fille. Ils se trouvaient toujours dans le bureau de l'émir lorsque Tufiq fit son entrée. Mejaï qui se dissimulait dans l'ombre d'une bibliothèque et Nora qui discutait avec Hava, furent plus vives d'esprit que Giminos. L'agalanthéen, pensant toujours avoir affaire à Nadia, s'approcha du vizir.
Giminos : Tu es déjà revenue ? Vous avez rendu l'oeuf au rokh ? Tout s'est bien passé ?
Giminos réalisa son erreur mais trop tard, déjà Tufiq tirait son shimshir et se jetait sur lui.

Mejaï sortit des ombres et après avoir attrapé Hava et sa fille Amelia, elle les jeta derrière le bureau avant de sortir son arme.
Giminos para le coup de Tufiq avec son bouclier. Celui-ci n'était pas un guerrier mais l'agalanthéen si. Giminos frappa une première fois, dévia un autre coup et se désaxant, il frappa Tufiq au bras, le tranchant net à l'épaule. Tufiq essaya de poursuivre me combat malgré sa blessure mais Nora était déjà passée dans son dos et l'acheva d'un geste rapide. Tufiq était mort avant que son corps ne touche le sol.

Hava et Amelia étaient encore sous le choc lorsque Lila et Nadia arrivèrent au palais de l'émir. Les chevaliers expliquèrent alors à Hava Ibn Zarad l'enchaînement des événements. Comment Tufiq avait volé l'oeuf d'un oiseau rokh et l'avait ramené à Alayahba. Il savait qu'à cause de cela, le rokh attaquerait la ville et que des habitants seraient blessés ou tués. Les chevaliers annoncèrent à l'émir et à sa fille que les villageois disparus étaient certainement morts et ajoutèrent dans la conversation la note qu'ils laissaient à l'auberge.
L'émir Hava avait encore du mal à parler mais il réussit de maîtriser ses émotions.
Hava : Comment pouvons-nous vous remercier pour... tout ce que vous avez fait pour nous ?
Lila : Vous ne nous devez rien. Nous n'avons fait que notre devoir, pour la Bravoure, l'Honneur et le Royaume.
Nora : Enfin nous ne serions pas contre quelques vivres pour le retour jusqu'à Jergath.
Nadia : Prenez soin de vous et de vos filles, Hava.

Les politesses d'usages échangées, les chevaliers reprirent la route pour Jergath-la-grande.